Blandine Lenoir incarne la fille du boucher dans Carne et Seul Contre Tous.
Quel âge aviez-vous lors du tournage de « Carne » et de « Seul contre tous » ?
15 ans pour « Carne », 19 et 20 ans pour « Seul contre tous ».
Comment avez-vous été choisie ?
Par casting. Une copine m'avait parlé de l'annonce, j'y suis allée, je ne sais pas trop pourquoi. Je ne voulais pas être comédienne, je voulais réaliser. C'est ce que j'ai dit à Gaspar du haut de mes 15 ans, et c'est pour ça qu'il m'a choisie, parce que je lui parlais d'une envie de cinéma.
Connaissiez-vous déjà Gaspar Noé ?
Non.
Le thème de l’histoire vous a-t-il rebutée au départ ?
Moi non, mes parents oui !
Si vous aviez des réticences, de quel ordre étaient-elles ?
Comme toute adolescente, j'avais peur des scènes de nu.
Comment Gaspar Noé vous a-t-il convaincue et mise en confiance pour des sujets aussi délicats que l’inceste et la pédophilie ?
Parce qu'il est intelligent, respectueux, gentil et doux.
Au regard de l’actualité (procès de la pédophilie), voyez-vous « Carne » et « Seul contre tous » d’un autre œil ?
Non. Ce n'est pas le seul sujet du film non plus !
Comment vous êtes-vous préparée à ce rôle introverti, presque autistique ?
J'ai écouté Gaspar. Je n'avais pas vraiment conscience de ce qu'on était en train de faire je crois.
N’est-ce pas frustrant pour une comédienne de ne pas avoir une seule ligne de dialogue, et de devoir exprimer «l’absence» ?
Non. Je n'étais pas comédienne, c'était ma première expérience.
Quels étaient vos rapports avec Philippe Nahon, avant et pendant les prises ?
Il était adorable, très protecteur. On rigolait beaucoup. C'était comme un papa.
Que faisiez-vous pour désamorcer une éventuelle gêne ou pudeur ?
Rire aux blagues de Philippe. Et à celles de Gaspar. Lucile était très présente aussi, et très douce avec moi.
Pour la préparation de votre rôle, avez-vous rencontré des victimes de pédophilie et/ou d’inceste ?
Non!
« La plupart des embryons sont conçus par accident ». Que vous inspire ce noir constat apparaissant dans Carne ?
C'est plutôt rigolo.
Comment se passe une journée de tournage avec Gaspar Noé ?
C'est long et très excitant ! On a l'impression de jouer avec un grand enfant très heureux.
Son univers cinématographique désespérant déborde-t-il hors prises ?
Non.
Etiez-vous prête à tout, ou bien lui avez-vous dès le départ dit ce que vous ne pouviez pas faire ?
Il y avait une scène dans le scénario de Carne, quand je rencontre l'ouvrier dans le terrain vague. Il était écrit que je devais mettre la main dans la braguette de l'homme. Je ne voulais pas faire ça.
Quelle fut sa réaction ?
Il était d'accord que ce n'était pas indispensable. Il voulait que l'on soit à l'aise tous ensemble pour travailler.
Que pensez-vous du boucher ? Mise à part sa déviance incestueuse et pédophile, lui trouvez-vous des circonstances atténuantes ?
C'est un homme malheureux, et seul. ça rend dingue n'importe qui, non ?
La morale est à mon sens, le thème central du film. Que pensez-vous de la façon dont il est traité dans « Carne » et « Seul contre tous » ?
Avec humour.
Pour vous, qu’est-ce que la morale ?
Des limites que l'on s'impose. Pas toujours à bon escient.
Etiez-vous présente lors de la présentation des ces deux films au Festival de Cannes ou lors d’autres projections officielles ?
Oui !
Quelles furent les réactions « à chaud » du public et des journalistes ?
Enthousiasme ou colère.
Philippe Nahon me disait lors d’un entretien téléphonique, qu’il avait assisté à une projection de « Seul contre tous » au Max Linder à Paris , au cours de laquelle Gaspar Noé avait été violemment pris à parti. Avez-vous assisté à ce genre de débordement ?
Bien sûr. Des gens quittaient la salle en criant des insultes, des femmes s'évanouissaient, etc…il y avait beaucoup de rires aussi.
Quelle place occupe le rôle de Cynthia dans votre carrière?
C'est mon premier rôle, mon premier tournage, mon début avec le cinéma. Je n'ai jamais rien fait d'autre que du cinéma depuis. Je ne sais rien faire d'autre ; Je suis pour toujours Cynthia pour les gens, d'autant plus que je n'ai pas eu d'autres rôles très marquants.
« Irréversible » est un peu la dernière partie d’un triptyque. Gaspar Noé vous avait-il proposé d’en faire partie comme Philippe Nahon ?
Non. Mais il m'avait expliqué qu'il n'y avait pas de rôle pour moi. J'ai très bien compris. On n'est pas obligé de travailler ensemble toute notre vie, même si cette aventure a été très forte.
Seriez-vous partante pour un nouveau projet avec lui ?
Bien entendu.
« Carne » et « Seul contre tous » vous ont-ils ouvert des portes vers d’autres rôles ? Ou alors, ne vous offrait-on que des personnages proches de Cynthia ? En d’autres termes, vous sentez-vous marquée au fer rouge par ce rôle ?
Je suis marquée parce que l'on m'en parle toujours des années après, mais je suis toujours fière quand on me présente en disant "tu sais, c'est la fille du boucher", et je vois quelque chose de terrible dans leur regard, entre le dégoût et la fascination ! C'est drôle. ça m'a ouvert des portes, ça c'est sûr, mais pas seulement en actrice. Et c'est tant mieux.
Vous-même êtes réalisatrice (Avec Marinette et Pas de pitié). A ce titre, comment percevez-vous le travail de Gaspar Noé ?
C'est mon papa de cinéma, son regard sur mon travail compte, mais je ne crois pas qu'il soit objectif, il y a une grande tendresse entre nous. Il m'a vue grandir !
Avez-vous des points communs, et si oui lesquels ?
C'est difficile comme question.
Auriez-vous pu ou su réaliser « Carne » et « Seul contre tous » ?
Bien sûr que non.
Quelle est votre actualité et quels sont vos projets ?
Je finis d'écrire un long métrage qui s'appelle LA CARDINALE. Je viens de terminer un court métrage qui marche plutôt bien en festivals. Je joue dans deux longs métrages cet été avec Haneke et Godet. Je viens surtout d'accoucher d'une petite fille qui s'appelle Elisa, alors je me remets doucement, et je savoure…
Un immense merci @ Blandine Lenoir pour sa disponibilité et sa gentillesse ainsi qu'à son agent, Ghislaine Malaterre
Blandine Lenoir plays the butcher's daughter in Carne and Seul Contre Tous.
How old were you when you filmed "Carne" and "Seul contre tous"?
15 years for "Carne", 19 and 20 years for "Seul contre tous".
How were you chosen?
By casting. A friend told me about the announcement, I went there, I don't really know why. I didn't want to be an actress, I wanted to direct. That's what I told Gaspar when I was 15, and that's why he chose me, because I spoke to him about wanting to see the movies.
Did you already know Gaspar Noé?
No.
Did the theme of the story put you off at first?
Me no, my parents yes!
If you had any reservations, what were they?
Like any teenager, I was afraid of nude scenes.
How did Gaspar Noé convince you and put you in confidence for such
delicate subjects as incest and pedophilia?
Because he's smart, respectful, kind and gentle.
In view of the news (pedophilia trial), do you see “Carne” and “I Stand Alone” in a different light?
No. This is not the only subject of the film either!
How did you prepare for this introverted, almost autistic role?
I listened to Gaspar. I wasn't really aware of what we were doing I think.
Isn't it frustrating for an actress not to have a single line of dialogue, and to have to express "absence"?
No. I was not an actress, it was my first experience.
What were your relations with Philippe Nahon, before and during the
takes?
He was adorable, very protective. We laughed a lot. It was like a daddy.
What were you doing to defuse any embarrassment or modesty?
Laugh at Philippe's jokes. And those of Gaspar. Lucile was also very present, and very gentle with me.
To prepare for your role, have you met victims of pedophilia and / or incest?
No!
"Most embryos are conceived by accident." What do you think of this dark observation appearing in Carne?
It's pretty funny.
How is a day of filming with Gaspar Noé?
It's long and very exciting! We have the impression of playing with a very happy big child.
Does his desperate cinematographic universe overflow out of takes?
No.
Were you ready for anything, or did you tell him from the start what you couldn't do?
There was a scene in Carne's screenplay, when I meet the worker in the vacant lot. It was written that I had to put my hand in the man's fly. I didn't mean to do this.
What was his reaction?
He agreed that it was not essential. He wanted us all to be comfortable working together.
What do you think of the butcher? Apart from his incestuous and pedophile deviance, do you find him extenuating circumstances?
He is an unhappy man, and alone. it drives anyone crazy, right?
Morality is in my opinion the central theme of the film. What do you think of the way he's treated in “Carne” and “I Stand Alone”?
With humour.
For you, what is morality?
Limits that we impose on ourselves. Not always wisely.
Were you present during the presentation of these two films at the Cannes Film Festival or during other official screenings?
Yes !
What were the “hot” reactions from the public and journalists?
Enthusiasm or anger.
Philippe Nahon told me during a telephone interview that he had attended a screening of “Seul contre tous” at Max Linder in Paris, during which Gaspar Noé had been violently taken to task. Have you witnessed this kind of overflow?
Sure. People were leaving the room shouting insults, women were passing out, etc… there was a lot of laughter too.
What place does Cynthia's role occupy in your career?
It's my first role, my first shoot, my debut with cinema. I have never done anything other than cinema since. I don't know how to do anything else; I am forever Cynthia to people, especially since I haven't had any other very prominent roles.
“Irreversible” is a bit like the last part of a triptych. Did Gaspar Noé offer you to join it like Philippe Nahon?
No. But he explained to me that there was no role for me. I understood very well. We don't have to work together our whole life, even if this adventure has been very strong.
Would you be up for a new project with him?
Of course.
Did “Carne” and “I Stand Alone” open doors to other roles for you? Or, were you only offered characters close to Cynthia? In other words, do you feel branded with a hot iron by this role?
I am marked because I am always told years later, but I am always proud when I am introduced by saying "you know, it is the butcher's daughter", and I see something terrible in their look, between disgust and fascination! It's funny. It opened doors for me, that's for sure, but not only as an actress. And that's good.
You yourself are a director (With Marinette and Pas de pitié). As such, how do you perceive the work of Gaspar Noé?
He's my cinema dad, his look at my work counts, but I don't think he's objective, there is great tenderness between us. He saw me grow up!
Do you have any points in common, and if so which ones?
It is difficult as a question.
Would you have been able or known to realize "Carne" and "Seul contre tous"?
Of course not.
What is your news and what are your projects?
I am finishing writing a feature film called LA CARDINALE. I just finished a short film that works pretty well at festivals. I am playing in two feature films this summer with Haneke and Godet. I have especially just given birth to a little girl called Elisa, so I am slowly recovering, and I savor ...
A huge thank you @ Blandine Lenoir for her availability and kindness as well as to her agent, Ghislaine Malaterre
Blandine Lenoir
Actrice, réalisatrice
Actress, director
LOWINSKI, Philippe. Entretien avec Blandine Lenoir. Le Temps Détruit Tout [en ligne]. Publié le 10 juin 2004. Consultable à l'adresse : http://www.letempsdetruittout.net/interviews/philippe-nahon